Surgi des sables, un musée qui failli être et ne fut jamais
Alia Farid est née d’un télescopage, celui d’une mère portoricaine et d’un père koweïti. Depuis, sa vie s’étire entre les continents, entre des univers aussi éloignés l’un de l’autre que peuvent l’être les déserts du Golfe et les ressacs de l’océan Atlantique. Bardée de diplômes (école d’art à Porto-Rico, études d’art visuel au MIT, muséologie à Barcelone…) on lui doit, en collaboration avec l’artiste Jesus « Bubu » Negrón, une série de tapis dont les motifs, les mosquées de Port-Rico, contribuent à bousculer les repères. La colonisation espagnole et l’expansion euro-péenne s’offrent parées d’arabisme tout en se jouant des tapis de prière. Télescopage toujours.
Plus que l’édifice religieux c’est l’idée même du bâtiment qui est au cœur du travail de Alia Farid. Fidèle à ses parents tous deux bâtisseurs, elle aime l’architecture. Alia Farid a signé de nombreuses installations, des édicules disposés dans l’espace public et des vidéos comme celle d’une femme, derviche moderne, dansant sur une plateforme circulaire en béton édifiée à Tripoli (Liban) par Oscar Niemeyer. En 2004, chargée du pavillon du Koweït à la Biennale d’architecture de Venise, elle y expose ce qui va devenir pour elle un territoire et une obsession : des pans du Musée National du Koweït édifié au début des années 60 par le français Michel Ecochard et qui sera bombardé et pillé durant l’invasion du pays par les troupes irakienne en 1991. Censé être protégé et restauré par l’UNESCO, cet édifice a subi tant de transformations scélérates qu’il a perdu tout espoir de retrouver un jour sa forme originelle. L’érection de ce musée signifia pourtant pour le Koweït l’arrivée de la modernité. « Sans doute ce pays n’était-il pas encore prêt à l’accueillir » dit Alia Farid. L’est-il aujourd’hui ? Pour le savoir peut-être, Alia Farid s’est engagée dans un processus de (re)création. Se saisissant de ce patrimonial à l’abandon, elle le per-turbe par son imaginaire et donne à voir ce qui ne fut jamais. Par la réalisation d’arte-facts, d’objets dont des photographies d’archive conservées dans les sous-sols du musée assurent l’existence, elle surjoue un rêve interrompu.
Plus que l’édifice religieux c’est l’idée même du bâtiment qui est au cœur du travail de Alia Farid. Fidèle à ses parents tous deux bâtisseurs, elle aime l’architecture. Alia Farid a signé de nombreuses installations, des édicules disposés dans l’espace public et des vidéos comme celle d’une femme, derviche moderne, dansant sur une plateforme circulaire en béton édifiée à Tripoli (Liban) par Oscar Niemeyer. En 2004, chargée du pavillon du Koweït à la Biennale d’architecture de Venise, elle y expose ce qui va devenir pour elle un territoire et une obsession : des pans du Musée National du Koweït édifié au début des années 60 par le français Michel Ecochard et qui sera bombardé et pillé durant l’invasion du pays par les troupes irakienne en 1991. Censé être protégé et restauré par l’UNESCO, cet édifice a subi tant de transformations scélérates qu’il a perdu tout espoir de retrouver un jour sa forme originelle. L’érection de ce musée signifia pourtant pour le Koweït l’arrivée de la modernité. « Sans doute ce pays n’était-il pas encore prêt à l’accueillir » dit Alia Farid. L’est-il aujourd’hui ? Pour le savoir peut-être, Alia Farid s’est engagée dans un processus de (re)création. Se saisissant de ce patrimonial à l’abandon, elle le per-turbe par son imaginaire et donne à voir ce qui ne fut jamais. Par la réalisation d’arte-facts, d’objets dont des photographies d’archive conservées dans les sous-sols du musée assurent l’existence, elle surjoue un rêve interrompu.
Les sculptures mésopotamiennes, les pantoufles, les pièces de monnaie, les récipients en verre, les cruches en terre voisinent avec l’exposition des méthodes utilisées par les archéologues danois qui défrichèrent le territoire dans les années 60. Une cigarette posée à côté d’un objet déterré en donne l’échelle exacte. A ces clones, Alia Farid mêle des inédits, des créations personnelles dictées par l’idée de ce qui aurait pu être. Le trouble en est redoublé, l’absurde de la réunion même d’objets qui jamais n’auraient du frayer ensemble s’affiche. Alia Farid ne produit pas une réplique un pastiche du musée mais bien sa frac-tale. Son accrochage, fruit d’une enquête sur le terrain comme dans les tiroirs, génère une onde de choc. Car dans la volonté de redonner vie à ce musée perce encore la volonté de brandir l’oriflamme d’une modernité rétive au conservatisme. L’exposition d’apparence légère, évanescente tel un souvenir, se révèle riche dans sa déchéance de ce parfum qui se devine encore dans les flacons brisés.
— Philippe Trétiack, 2017