Les Inrockuptibles


Ali Cherri
Ali Cherri : “L’expérience de la violence laisse des cicatrices invisibles”


Au Frac Rennes, dans “Le songe d’une nuit sans rêve”, l’artiste libanais Ali Cherri expose ses doutes et ses rêves, au cœur d’un paysage hanté par la guerre qui vient.

Né au début de la guerre civile au Liban, en 1976, Ali Cherri n’a jamais conçu sa pratique artistique autrement qu’en lien avec cette expérience fondatrice de la menace. Marqué comme tant d’autres artistes libanais·es (Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Akram Zaatari, Lina Majdalanie, Rabih Mroué, Walid Raad, Ayman Baalbaki…) par le sort de son pays fracturé, il se dit habité par la question des ruines, de la violence, de la construction d’un récit après un traumatisme. “Toutes ces questions hantent encore mon travail aujourd’hui”, reconnaît-il au moment de l’ouverture de son exposition au Frac Bretagne, Le songe d’une nuit sans rêve (qui se tient en même temps que la carte blanche que lui a confiée l’Institut Giacometti à Paris, Envisagement, pensée comme un dialogue entre ses sculptures en plâtre et celles du grand sculpteur, où il se pose la question : qu’est-ce qu’un visage ?).

Libération


Ali Cherri
A l’Institut Giacometti, les gueules recasées d’Ali Cherri


Elles semblent s’observer et faire connaissance. Elles se tournent pudiquement l’une vers l’autre en inclinant légèrement l’épaule et restent là à s’entretenir muettement et à se dévisager. A l’Institut Giacometti, qui les réunit sur socle et sous cloche, dans l’exposition Envisagement, Femme debout (1961) du maître suisse et la Grande Dame (2023) d’Ali Cherri ont des choses à partager. Ça saute aux yeux. L’une, en plâtre peint, comme l’autre, faite d’argile et de sable, étirent leur frêle silhouette sans épaisseur à 50 centimètres de hauteur et leur posture (bras croisés sur la poitrine pour l’une, jambes si serrées pour l’autre qu’elles n’en font plus qu’une) exprime une aspiration à la discrétion, à l’effacement, au recueillement. Elles intriguent, intimident et attendrissent.

L’Orient-Le Jour


Ali Cherri
Quand Ali Cherri et Alberto Giacometti se dévisagent


Elles sont nombreuses, les expositions où des fondations et autres institutions muséales invitent un artiste contemporain pour un « face-à-face » ou à « confronter ses œuvres » avec celles de l’un de ses prédécesseurs. Et c’est justement à ce genre de configuration que l’on penserait avoir affaire en apprenant que l’Institut Alberto Giacometti à Paris invite le plasticien et vidéaste libanais Ali Cherri à mettre ses œuvres en dialogue avec celle du sculpteur et peintre suisse, sous le thème à double tranchant de l’Envisagement. Or, ce qui fait d’abord la particularité de cette exposition, comme le signale le commissaire Romain Perrin, c’est le fait d’avoir offert à Cherri « la possibilité d’appréhender les collections et archives mises à sa disposition, ainsi que le lieu où elles sont exposées de manière originale, avec le parcours et la culture qui sont les siens ». Et s’il fallait commencer par la fin, ou en tout cas par une impression qui reste après la visite d’Envisagement, c’est justement celle d’avoir été emporté dans une mise en scène de Ali Cherri, semblable à celles qui sous-tendent ses films. Car même si pour ce travail en particulier, c’est plutôt le pan  « plasticien » de l’œuvre protéiforme de Cherri dont il est question, il n’en demeure pas moins qu’Envisagement nous semble être le film, le court-métrage de la rencontre de ses œuvres et celles de Giacometti.

The Guardian


Ali Cherri
Peter Bradshaw, "The Dam review – eerie, hallucinatory tale of Sudan on the brink" [EN]


Lebanese artist and film-maker Ali Cherri, artist-in-residence at London’s National Gallery in 2021, makes his feature film debut with a visually striking, ruminative and mysterious piece of work, a kind of magic social realist vision. The script was developed with two French cinema heavyweights, producer and screenwriter Geoffroy Grison and director Bertrand Bonello and it premiered at Cannes in 2022 in the Directors’ Fortnight section.

It is a drama teetering on the verge of a heatstroke hallucination, with flourishes of violence. The setting is the hydroelectric Merowe dam in northern Sudan on the Nile; it’s 2019, and President Omar al-Bashir is about to be deposed by the army after months of protests. Maher (Maher El Khair) is working by the riverbank making bricks in the burning sun, for a foreman who is always liable to dock people’s pay. Listlessly succumbing to a kind of metaphysical torpor, Maher listens to news reports about the revolution’s gathering momentum and every evening he goes off to build a strange pagan statue, something like a Wicker Man for the Arab spring, which appears to be having a life of its own. Meanwhile, Maher is developing his own alarming physical symptoms: a wound that may be the entry point for a supernatural intelligence introducing Maher to new ideas.

Cherri has a marvellous visual and compositional sense, often creating startling images in the desert plains, which look like Tatooine. And the dam itself? An image of the government’s doomed attempt to stem the tide of revolution? Perhaps. It’s interesting work, though perhaps it fetishises Maher’s enigmatic silence a little too much.