le ciel aux yeux-racines
À travers une pratique qui oscille entre art et pédagogie, Minia Biabiany explore les effets du colonialisme sur les territoires, les langues et les identités des Caraïbes, tout en imaginant des espaces de résistance et de guérison.
Pour le ciel aux yeux-racines, l’artiste dessine une nouvelle constellation : celle de la grenouille, pensée à partir de la carte du ciel de la Guadeloupe au moment de l’exposition. Chaque étoile prend la forme d’une sculpture en céramique, et ensemble, elles forment l’image de cet amphibien nocturne, dont le chant marque le passage du jour à la nuit. Ces sculptures se reflètent dans des calebasses remplies d’eau, posées au sol, créant un jeu de miroirs entre l’eau, la terre et le ciel, le cosmos et le quotidien.
Inspirée par l’observation de la constellation du Crabe Cirique, l’une des rares constellations traditionnelles du peuple Kalina dont le tracé a traversé le temps jusqu’à nous, et dont l’apparition au-dessus de l’horizon marque le cycle solaire pour ce peuple, Minia Biabiany propose une interprétation des cycles célestes depuis son propre ancrage. Cette approche offre une nouvelle manière de situer et d’orienter les corps dans l’espace.
L’installation est reliée par des cordes tressées de fibres de bananier et ponctuée d’enfilades de sculptures organiques en bois brûlé représentant des éléments caractéristiques de l’environnement guadeloupéen. Le tressage, pratique centrale du travail de l’artiste, s’inscrit dans une volonté de raconter, de trouver de nouvelles métaphores pour parler de sa relation au territoire et devient un acte de résistance contre l’assimilation de la parole. Pratique d’oralité et de lenteur, il sert de fil conducteur pour repenser les structures de narration et du langage.
La fleur de bananier – figure récurrente dans l’installation – évoque à la fois les conséquences sanitaires de l’utilisation du chlordécone[1] et les vertus médicinales de cette plante. À travers cette ambivalence, Minia Biabiany questionne la capacité du territoire à se réapproprier sa mémoire et à guérir les blessures laissées par l’histoire coloniale, ouvrant ainsi un espace où se mêlent mémoire, poésie et politique.
Minia Biabiany
Lives and works in Guadeloupe. Her work explores Caribbean narratives, processes of decolonization, and the connections between language, body, and territory, through a practice combining installations, videos, and pedagogy. Among her upcoming solo exhibitions are Semillero Caribe x Persona Curada (ENSAD, Paris, 2025), the Mercosur Biennial (Porto Alegre, 2025), the São Paulo Biennial, as well as a duo exhibition with Étienne de France (Musarth, Guadeloupe, 2025; KunstMeran, Italy, 2025). In November 2025, she will finalize the video created as part of the Han Nefkens Prize.
Her work has been featured in several exhibitions, including Dlo a rasin (James Madison University, Virginia, 2024), difé at the Palais de Tokyo (2022), the 10th Berlin Biennial, TEOR/éTica (San José, Costa Rica), Witte de With (Rotterdam), Cráter Invertido (Mexico City), SIGNAL (Malmö), the Memorial ACTe (Guadeloupe), the Centro León (Santiago, Dominican Republic), the Corcoran (Washington, D.C.), and La Verrière (Brussels). She also received the Sciences Po Contemporary Art Prize in 2019.
Her first multilingual monograph, Ritmo Volcan, was published by Temblores editions.
In 2016, she initiated the collective project Semillero Caribe in Mexico and continues her pedagogical research in the Caribbean through Doukou, a platform for experimentation that explores Caribbean authors’ concepts through the body and sensory experience.
[1] Ce pesticide toxique, utilisé entre 1972 et 1993 dans les bananeraies de la Martinique et de la Guadeloupe, a pollué les sols et les eaux de l’île, laissant une empreinte indélébile sur la santé de la population et l’écologie du territoire.